INUI

« C’est ça qui me revient, c’est à ça que ça revient, c’est pour ça que ça revient. »
Sarah Kane

Théâtre – Opéra
Création tout public
Une fantaisie de Julie Hega et François Lanel

Avec Julie Hega, François Lanel, Agnès Serri-Fabre et Quentin Vernede

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François Lanel s’est associé à Julie Hega pour créer différents projets : Confluences vocales, INUI et MUSIC & DANCE LAB.

Le théâtre, l’écriture et la musique sont leurs principaux terrains de jeu. Ils partagent une obsession pour la création artistique et leur union marque la rencontre de deux univers artistiques aux multiples affinités : l’innocence, l’émerveillement, l’idiotie, mais aussi la curiosité de l’Autre et le goût de l’exploration. Ils voyagent, rassemblent différentes sources d’inspiration et se laissent guider sensiblement par leurs intuitions. Par l’improvisation, tout rentre ensuite en résonnance. S’écrit ainsi un théâtre performatif et musical. Vivant.

Là où cohabitent des êtres vivants, existent des mondes complexes et merveilleux. Nous apprenons à les explorer, parfois même à les révéler, en accordant souvent dans nos rencontres une place privilégiée à la voix et aux langues étrangères. La diversité de nos origines, de nos personnalités, de nos points de vue sur les choses et sur le monde est à la base même de notre démarche qui s’exprime toujours en termes d’expérimentations, de prises de risque collectives.

Julie Hega et François Lanel

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NOTE D’INTENTION

Nous sommes tous porteurs d’une mémoire susceptible un jour de nous submerger. Enfouie quelque part, cette mémoire agit au-delà de notre propre vie. Il existe en nous des espaces invisibles et inconscients qui nous dépassent et nous relient aux autres. Il s’agit sur cette création d’ouvrir nos oreilles à des sonorités inconnues, de composer une forme musicale qui converse avec des langues et des chants d’autres cultures et qui questionne ce que peut être un opéra aujourd’hui. Par le son, nous aspirons à explorer un territoire immatériel commun, un espace de mémoire collective : l’oralité.

D’où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ?

Les personnes métisses n’ont de terre nulle part. Elles sont toujours un peu étrangères au sein même de leurs pays. Elles sont comme des réalités « autres » ou des réalités « entre ». La multitude culturelle est aujourd’hui une force à déployer. À l’heure d’une crise de la migration, il nous semble urgent d’interroger notre capacité à faire monde. C’est à cette condition, conscients des rapports de force historiques que les peuples entretiennent entre eux, que nous pourrons faire de notre diversité, le socle d’un rassemblement.

Le chant de Julie est l’événement déclencheur d’un imprévisible retour du refoulé. Une étrange correspondance est apparue entre ses improvisations vocales et des sonorités nordiques. Une brèche s’est ouverte et, avec elle, le désir de retracer, par la voix, l’histoire d’une généalogie réelle et fantasmée entre deux pôles. Est née la nécessité d’entreprendre un voyage initiatique reliant l’Arctique aux forêts équatoriales du Cameroun. De François, est venue l’idée saugrenue de la construction d’une route à plusieurs, sans que personne ne se soucie de sa destination. Cette métaphore déraisonnable de l’exploration (et plus largement de la création) est un de nos points de rencontre. Chaque création est pour nous l’occasion de donner du sens à nos existences en découvrant des espaces inconnus. Ces visées lointaines cachent le secret que l’on porte en nous de renouer un jour avec nos origines.

All’inizio, né parole né musica
Au commencement, ni les mots, ni la musique

La création de la pièce se fait sans recourir à un médium prédominant. Il s’agit de mettre en œuvre une « écriture de plateau » musicale et théâtrale. INUI propose une immersion plastique au cœur d’une scénographie contemplative et naïve, une plongée dans un monde en suspension, dans lequel viendront se fondre des créatures exubérantes.

Nous désirons questionner les frontières, les espaces et les passages entre les langues et les sons. Nos principales influences sont les traditions vocales des Inuits et des Pygmées aux accointances formelles étonnantes. Nous envisageons l’écriture musicale comme la création d’un paysage vocal, une hallucination sonore hybride, vibrante et délicate.

Sur Confluences vocales, notre laboratoire de recherche mené au Cameroun et au Québec, nous rencontrons des artistes issus majoritairement de communautés autochtones. Nous expérimentons in situ des dialogues musicaux faisant se répondre nos pratiques respectives. L’intuition de départ est que ces conversations produisent une combinaison inédite, un événement sonore inouï. Ces expériences enregistrées sont une matière pour la création de la bande sonore originale d’INUI, une forme basée sur la rencontre de langues étrangères, d’airs lyriques, de chants premiers, de percussions et de musique électronique. Notre quête est de faire dialoguer des rythmes et des mélodies pour créer une alchimie sonore entre nous. Nous lançons des paris : faire d’un brassage musical une magnifique constellation sonore, privilégier la musicalité des phrases aux sens des mots, et s’amuser dans le même temps à décaler les codes de l’opéra classique. Tisser joyeusement un ensemble improbable. Proposer une forme d’ « Opéra Monde ».

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Avec les premiers soutiens du Ministère des Relations internationales et de la Francophonie du Québec / Fonds Émérillon de coopération franco-québécoise, de la Région Normandie, du Conseil Départemental du Calvados, de la Fondation de France (Music & Dance Lab), du Pavillon de l’Indochine et du FAR (Caen).

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Julie Hega
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Mon art est un prétexte pour garder le lien avec l’enfant que j’ai été, lui subsister, ne jamais le perdre ni le trahir. Je suis incapable de transiger avec mes désirs. C’est à travers l’excès et une irréductible légèreté que je sauve ma vie. Je crois secrètement que toute conversation parle d’amour. Si elle parle d’autre chose, c’est un prétexte pour y arriver. C’est cette essence que je poursuis, faisant de l’amour le point central de mes recherches. Je me pense au travers des êtres et des choses que j’aime. Je ne vis que pour ça. Je ne travaille que dans ce sens et c’est au fond la seule question qui m’intéresse.

Mon métier est d’être actrice et je le suis au sens d’un état de jeu perpétuel avec le monde, de réaction et de contamination à partir des éléments qui s’offrent à moi. Je cultive un appétit lyrique, débordant et extravagant pour le monde. Je compose avec lui, in situ, au milieu de l’imprévisibilité des contraintes et des notes qu’il propose. La vie est mon immense terrain de jeu, et je m’y reconnais la cruauté d’un enfant, vacant d’une métamorphose à l’autre, dans l’insouciance du mouvement de ses actes barbares.

La quête de compréhension n’est pas la mienne. Les personnes qui ont besoin de tout rationnaliser me touchent, car je ne les comprends pas. Pour ma vie, j’ai cessé de vouloir. Je préfère le « laisser faire » au « contrôle ». C’est une manière de produire du sens au milieu de l’absurde. Ce qui m’émeut, c’est l’incomplétude et l’incongruité des êtres. J’aime les imperfections, elles me rassurent. J’y perçois une signature intime de nos existences humaines. Pour créer, j’ai besoin de brasser des influences artistiques plurielles. J’aime traverser l’architecture, le design, la mode, la musique, le cinéma, le théâtre et la nature de manière organique et ludique. C’est de manière naïve que je m’envisage, dans la tentative surréaliste de me mouvoir au milieu du chaos et de protéger cette danse : comme une tasse de porcelaine qu’un soldat, courant au milieu d’un champ de bataille pendant un combat, tiendrait entre ses mains dans l’espoir qu’elle ne se brise. L’objet d’un repli précieux, la réplique de nos existences fragiles. Quand, au jour de sa mort, face à son corps impossible tenant le petit objet, l’assemblée intriguée pleurerait devant l’injustice d’une vie reprise trop tôt. Lui relèverait la tête et, dans un dernier murmure, confirait son entreprise victorieuse : « j’ai réussi, elle est intacte ». Aux oreilles ébahies et à nos corps défendant, on gagne parfois la bataille en sauvant plus que sa peau. Je pense que l’art venge nos vies comme jamais nous n’aurions pu les défendre.

Julie Hega est chanteuse, comédienne et plasticienne. Après 10 ans au Conservatoire de Caen où elle étudie le violoncelle, le chant et l’orchestre, elle se passionne pour le théâtre et les arts plastiques qui viennent enrichir sa pratique artistique pluridisciplinaire. Entre 2013 et 2015, elle suit la formation professionnelle de comédien à La Cité Théâtre (Caen). Au cours de son cursus, elle rencontre deux artistes avec lesquels elle travaille par la suite : François Lanel, avec qui elle crée Massif Central, et Thomas Jolly de la Piccola Familia pour Le Ciel La Nuit et la Pierre Glorieuse, une série théâtrale créée au Festival d’Avignon en 2016. Elle joue en 2017 dans Sombre Rivière de la compagnie Vita Nova dirigée par Lazare, au Théâtre National de Strasbourg. La même année, elle est nommée Talent Adami Théâtre et collabore avec Samuel Achache et Jeanne Candel (Collectif La Vie Brève) sur la création de La Chute de la Maison au Festival d’Automne, et sur une version radiophonique de cette même pièce avec France Culture. Depuis, elle développe sa pratique du chant lyrique avec la chanteuse Sylvie Deguy et s’intéresse à la plasticité vocale. En 2019, elle interprète Desdémone dans la pièce Othello mise en scène par Arnaud Churin, créée à la Scène nationale 61 et reprise notamment au Théâtre de la Ville (Paris). Elle a fait partie des trois artistes français élus par le Ministère de la Culture pour participer à la Commission Internationale du Théâtre Francophone. L’année 2020 annonce de nouvelles perspectives avec la création de sa maison artistique « SACRE ». Résolument foisonnante, elle affirme son goût pour la transversalité, cultive un univers éclectique et signe toutes sortes d’objets à la fois surnaturels et sacrés. Elle est soliste sur l’opéra Innocence composé par Kaija Saariaho, dirigé par Susanna Mälkki et mis en scène par Simon Stone (création mondiale au Festival d’Aix-en Provence).